Pierre du rail - 61 a écrit :Bonjour,
C'est à mon tour de te demander un renseignement, Georges. Lors de l'utilisation des rails pour la circulation des trains, ceux-ci sont sous tension. Qu'elle est la résistance du maillechort et qu'elle incidence a-t-elle sur la température du rail lors de nombreuses circulations successives ?
Merci pour l'information.
Cordialement.
Pierre
re-bonsoir donc !
Je comprends la question ainsi : le passage du courant dans les rails provoque-t-il un échauffement de ceux-ci, et si oui, est-ce que cela peut les faire se dilater, et donc, faut-il le prendre en compte dans la construction d'un circuit ?
La réponse brute de décoffrage est claire : NON. L'échauffement est ridiculement faible et il faut plusieurs centaines d'heures pour que les rails chauffent de... 1°C.
Voici comment cela se calcule : mettez votre ceinture, je mets les gaz, on va décoller...
L'échauffement de la matière est lié à une accumulation d'énergie dans celle-ci. Cette énergie se calcule en fonction de l'échauffement : elle est égale au produit de l'écart de température considéré (en degrés celsius) par la masse du produit (en kilogrammes) et encore par la capacité calorifique du produit, qu'autrefois on appelait la chaleur spécifique, et qui se mesure en Joules par kilogramme et par degré celsius.
En gros, la capacité calorifique mesure la faculté d'un produit à accumuler de l'énergie en fonction d'une élévation de température donnée, et elle est "spécifique" du corps considéré.
Donc on peut écrire : dE (écart d'énergie accumulée) = Cp . m . dT
(Cp capacité calorifique, m masse, dT écart de température).
L'énergie se mesure en joules.
Cette formule est très générale.
Par ailleurs, quand un corps est traversé par un courant électrique (nous y voilà), l'énergie qui est délivrée est égale au produit de la puissance électrique P (en watts) par le temps t (en secondes). L'énergie véritablement accumulée par le produit est ce résultat multiplié par un coefficient de rendement (sans unité) qui est d'autant plus proche de 1 que le produit conduit bien le courant. Ici nous majorerons donc la valeur de la puissance dégagée (donc au final, de l'échauffement) en prenant 1 pour ce coefficient.
Par ailleurs, je considère un courant continu. En courant alternatif, la valeur de la puissance est au maximum égale à celle décrite ici, ou bien est minorée par un facteur compris entre zéro et un qu'on appelle le cosinus phi (je passe sur les détails
). Sachez simplement que ce que je dis ici pour le courant continu sera a fortiori encore plus vrai pour le courant alternatif, car si la puissance dégagée est plus faible, l'échauffement le sera aussi.
On peut donc écrire :
dE = Cp . m . dT = P . t
comment connaître P ?
Dit avec les doigts, quand un courant traverse un corps, il libère de l'énergie, et ce d'autant plus que le produit traversé offre une résistance au passage du courant.
En effet, la puissance en watts est le produit de la tension (en volts) par l'intensité (en ampères). Soit en formule : P = U . I ; Mais attention à ne pas faire une ENORME erreur de raisonnement : il ne s'agit pas de la tension appliquée aux bornes de votre transformateur (12 V par exemple) mais de celle qui sépare deux points différents et éloignés d'un rail, par exemple ici, entre le branchement du rail sur le transfo et le point de contact avec la roue capteuse de courant de la motrice. La tension est plus justement appelée différence de potentiel. Différence de potentiel entre les deux points considérés, bien sûr. 12V seront la valeur de la différence de potentiel entre les deux bornes du transformateur, ce sera aussi sans doute à peu près la valeur de la différence de potentiel entre les deux rails et c'est d'ailleurs cela qui fait fonctionner les moteurs de nos machines. Mais sur un MEME rail (en supposant que les contacts électriques aux niveaux des éclisses sont bons, on peut supposer qu'on n'a qu'un seul rail très long, d'un point de vue électrique), la différence de potentiel est minime.
Plutôt que de la calculer ou de la mesurer, rappelons-nous que cette différence de potentiel est aussi égale à la résistance électrique du matériau (en ohms), multipliée par l'intensité (en ampères). U = R . I
Ce qui combiné à la formule précédente donne : P = R . I . I (je n'ai pas trouvé le symbole de la mise au carré
)
Ainsi notre formule devient :
dE = Cp . m . dT = R . I . I . t
Il faut donc connaître R !!!!
Et justement, la résistance électrique, dans le cas d'un corps allongé comme un rail, peut s'écrire :
R = r . L / s
avec L la longueur en m, s la section en mm2 et r la résistivité électrique (en ohms.mm2/m par exemple), caractéristique de la matière considérée. Plus une matière donnée sera de faible section, plus la résistance sera grande, plus la puissance dissipée sera grande aussi ! d'où le fait qu'un filament de lampe à incandescence monte à 2000°C, entre l'effet de sa section et de celui de la résistivité du tungstène...
Par ailleurs, la masse m qui intervient dans la formule du début est le produit du volume par la masse volumique (en kg/m3 ) (la densité pour faire simple, même si ce n'est pas strictement la même chose), et le volume est lui-même le produit de la section (en mm2) par la longueur (en m).
m = rho . L . s
Quand on combine tout cela dans la formule initiale, on obtient :
dE = Cp . rho . L . s . dT = r . L . I . I . t / s
On voit donc que la longueur n'intervient pas puisqu'elle apparaît des deux côtés du signe égal. Que votre voie fasse cinquante centimètres ou cinquante mètres de long, son échauffement sera similaire. Que la loco soit près du transfo ou à l'autre bout, qu'elle soit à l'arrêt ou pas, peu importe. ce qui compte c'est l'intensité engagée sur les rails, leur forme, leur matière.
On peut extraire l'écart de température :
dT = t . r . I . I / (Cp . rho . s . s)
Ce qui signifie que :
plus on fonctionne longtemps plus ça chauffe
plus l'intensité est forte plus ça chauffe (et vite)
plus la section est faible et plus ça chauffe
le reste est lié à la matière utilisée.
Prenons un cas pratique :
le maillechort
r = 0,369 ohm.mm2/m
rho = 8700 kg/m3
Cp = 400 J/kg/ °C
prenons une section de rails de 2 mm2
prenons une intensité de 4 ampères
On obtient : dT = 0,42 . t / 1 000 000
Autrement dit, pour avoir dT = 1 °C, il faut attendre 654 heures. Vous ne ferez pas cuire un oeuf avec ça...
Bon, admettons que certaines de mes données ne soient pas très justes, mais quand même, je pense que le résultat se chiffrera toujours en centaines d'heures.
D'ailleurs je ne me suis jamais brûlé en touchant des rails juste après mise hors tension, parce qu'ils étaient chauds.
Bien évidemment, s'il y a un point faible quelque part (une éclisse qui fait mauvais contact par exemple) alors localement la section va fortement diminuer, ce qui va fortement réduire la valeur de t. Mais même si localement on peut aller jusqu'à fondre le métal (j'ai déjà fait
dans mon jeune temps) c'est LOCAL, donc cela ne va pas jouer sur la dilatation des rails qui suppose une élévation globale de la température de ceux-ci. Cela étant, vous aurez des soucis quand même, mais pas à cause de la dilatation
Inutile de dire que cet effet, même après 600 heures, est totalement négligeable devant les variations journalières ou saisonnières de température...
Effet du courant sur la dilatation des rails = peanuts...
FIN
Bon, merci d'avoir lu jusqu'au bout, j'espère que cela vous aura amusé ou intéressé, je vais sûrement me faire chambrer pour la longueur du texte... tant pis !
Mais bon, ne me posez pas des questions comme ça tous les soirs, sinon je ne vais pas suivre
bonne soirée à tous, je vais manger, je reviendrai après pour voir les commentaires sur le sujet :rolleyes:
A vous d'écrire un peu, je vous laisse la plume !
gazzzzz
V+
Georges